Chapitre 6
Les cabanautes s’esclaffaient. L’hilarité était générale et une sorte d’insouciance s’installait dans la communauté.
Alors que la musique ancestrale s’estompait, une mélodie douce venue d’ailleurs enveloppa l’assemblée. Après quelques mesures, une voix féminine chanta dans un souffle léger : Babe alone in Babylone, noyée sous les flots… Les cabanautes, comme hypnotisés, devinrent tour à tour silencieux dans la nuit métallique.
Tous silencieux, sauf un, Victor, que ses compagnons d’aventure surnommaient « Vic dort » pour son air endormi. Là, de façon inhabituelle, goûtant aux paradis artificiels, il se mit à héler ses amis.
- Hey ! Lucas, t’entends ça ? Cette voix, ce filet de voix...
Hey !
Lucky ! Mon copain l’orni… l’orni… l’ornithorynque…
Hey !
Les amis ! Ting ! Ting ! Ting
- Du calme, lui dit Fernand avec bienveillance.
- Ting ! Ting ! Ting !
- Qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce que tu me chantes ? C’est quoi ce Ting ! Ce Tang ! C’est cette douce voix qui te fait tanguer ?
- Tu n’entends pas le Ting !
Ting ! Ting ! Ecoute bien.
Fernand le suivit des yeux et tendit l’oreille. Au bout de quelques instants, il perçut un son métallique qui se répétait, un son très discret mais suffisamment troublant pour qu’il décide de s’éclipser afin d’essayer d’en repérer l’origine. Jamais de sa vie de mécano il n’avait entendu ça. Plus il s’éloignait de la voix frêle qui chantait noyée sous des flots de lumière, de poussières, d’étoiles éphémères, plus il comprenait que cet étrange cliquetis ne venait pas d’une des dizaines de milliers de pièces qui contribuaient à l’assemblage de la Cabane volante.
Ting ! Ting ! Ting !
Ses pas le conduisaient sans la moindre hésitation vers l’un des jardins baptisé le Jardin des merveilles. Fernand avait l’ouïe fine, tellement habituée à repérer le moindre petit dysfonctionnement de l’infinie mécanique qui l’entourait.
Ting ! Ting ! Ting !
Rythmé par de nombreuses terrasses portées par d’immenses colonnes, le jardin était bordé d’arbres plantés en hauteur.
Ting !
Ting ! Ting !
Ting ! Ting ! Ting !Fernand se laissa guider par le son dont le volume augmentait au fur et à mesure qu’il avançait vers la colonne A.486+.
Ting ! Ting ! Ting !
Ce n’était plus un cliquetis. C’était très étrange. Ce son ne pouvait pas exister, et pourtant, il était audible. Sa fréquence hertzienne semblait proche de celle de la lumière rouge, et pourtant, cela était impossible dans cet espace. Ce Ting ne pouvait être décrit dans aucun ouvrage, même le plus savant, et pourtant, même « Vic dort » l’avait perçu et il ne rêvait pas.
Ting ! Ting ! Ting !
Fernand colla son oreille à la colonne A.486+. Il ferma les yeux pendant dix secondes. Quand il les rouvrit, il venait de comprendre ce qu’elle renfermait.
Il enlaça longuement A.486+, la tête collée contre elle et le cœur battant, puis, sautant comme un cabri, il descendit de terrasse en terrasse pour rejoindre les cabanautes , tout en fredonnant Babe alone in Babylone …/… tu rêves d’éternité et tu vas la trouver…
Maintenant, il souhaitait rejoindre au plus vite l’homme au parfum de jasmin. Dans le grand salon où la fête battait son plein, Victor s’était endormi au plafond, dans les bras de Lucky.
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Le feuilleton du confinement suit son cours. Voici un rappel des éléments de la situation initiale du récit qui ont été choisis ensemble au début de cette aventure d'écriture.
Merci à tous les participants et continuons à donner vie à ce feuilleton.
Qui ? Un jeune cadre dynamique de 35 ans travaillant dans le marketing et une femme retraitée de 70 ans, travaillant dans une ferme écolo bio.
Quoi ? Un voyage initiatique
Comment ? Un road trip
Compagnon ? Un ornithorynque à bec de lièvre
Où ? Dans une cabane volante
Quand ? Dans les années 1970
Accessoire ? Une cigarette
Vous pouvez lire sur le blog les épisodes de cette histoire qui s'annonce farfelue, qui suit et suivra les tours et détours de l'esprit de chaque auteur. Tous les épisodes sont regroupés dans le Dossier "Ecriture collective".
Venez écrire la suite de ce récit pour ceux qui ont envie de participer. Déconfinons notre imagination pour faire vivre cette histoire.
Si vous avez envie de participer à cette aventure à multiples plumes, envoyez un mail à Noé : noe.aguilella-cueco@elan-retrouve.org.
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