De la part de Muriel
Evans Suite 2
Évan, étudiant infirmier : “Tout le monde se donne à fond”
Évan, étudiant infirmier de 23 ans, fait ses débuts au
service de réanimation d’un grand hôpital réservé à des patients atteints du
Covid-19. Au fil des jours, il prend confiance...
Évan (son prénom a été
modifié), 23 ans, est étudiant dans un institut de formation en soins
infirmiers (Ifsi) parisien, en troisième année. Il sera diplômé à l’été 2020.
Il est mobilisé dans le service de réanimation d’un grand hôpital de la
banlieue parisienne. Il raconte au téléphone le soir, en faisant chauffer son
dîner au micro-ondes…
« Chaque jour, je me sens un
peu plus assuré dans mes gestes, je prends confiance. J'ai commis quelques
erreurs, mais sans gravité : j'ai dû faire deux allers-retours au laboratoire
parce que j'avais oublié des documents, et un soir, j’ai un peu cafouillé dans
la transmission pour mon collègue de nuit. Mais avec les patients, tout se
passe bien.
L'ambiance est toujours bonne,
tout le monde se donne à fond, avec l’aide de médecins d’autres services, des
anciens partis travailler ailleurs mais qui sont revenus prêter main-forte.
L'atmosphère est solidaire, un jour une enseigne nous livre des pizzas, un
autre ce sont des viennoiseries ou des sandwichs. Nous avons même reçu des
repas d’un chef étoilé. Un groupe de cosmétique a livré du gel hydroalcoolique.
Avec les étudiants, le
personnel habituel est très disponible si on a des questions, ce qui m'arrive
souvent. Notre présence est appréciée, ça fait du bien. Nous avons reçu un mail
précisant que le volontariat est toujours la règle et qu’on a le droit de se
retirer à tout moment. Mais sur place, on sent bien qu’on est encouragés à dire
oui, parce qu’on a besoin de nous ! Ça me va, de toute façon, je voulais y
aller.
Dans ma promotion – autour de
cent étudiants –, presque tous ont été déployés un peu partout, en réanimation
ou, plus rarement, dans d’autres services pour remplacer les soignants
habituels venus en réanimation ; en médecine interne, en chirurgie, etc. Sauf
ceux qui sont malades, proches de malades, ou à risque, comme les femmes
enceintes ou les asthmatiques.
“Ce manque de matériel de base,
ça fait réfléchir : en trois ans de formation, je n’ai jamais manqué d’une
seringue ou d’une blouse !”
Le rationnement du matériel se
confirme : on change le masque FFP2 toutes les six heures seulement désormais,
mais une fois qu’on l’enlève, pour manger par exemple, il faut le jeter. Des
dentistes nous ont livré des blouses et des charlottes, c’est rigolo, on en a
de toutes les couleurs. Les stocks de seringues et de pousse-seringues (petite
pompe permettant l’injection en continu de produits) aussi sont à sec, et
personne ne sait comment on va faire.
En plus, les règles changent :
désormais, les patients peuvent recevoir une visite par jour. Du coup, il faut
fournir aussi blouse et masque aux visiteurs… Ce manque de matériel de base, ça
fait réfléchir : en trois ans de formation, je n'ai jamais manqué d’une
seringue ou d’une blouse ! C’est comme si on te disait qu’il n’y a plus de
stylo dans le pays et que maintenant tu n’en as qu’un par mois, c’est un peu
surréaliste.
J'ai discuté avec plusieurs
anciens du service, qui sont inquiets et redoutent de vivre une situation
comparable à celle des hôpitaux italiens… Ils ont formé très vite les étudiants
ou les collègues d’autres spécialités, mais ce n’est pas simple car le travail
en réanimation est très spécifique, notamment parce que les patients sont
souvent intubés, ce qui n’est pas le cas partout. Et les patients intubés sont
beaucoup plus délicats que les autres, ils ont par exemple besoin de sept
pousse-seringues, quand un patient normal en a moins, voire pas du tout.
Autre exemple : quand un malade
de réanimation est en détresse respiratoire, on l’installe régulièrement sur le
ventre, car cette position favorise la respiration. Ce sont des manipulations
délicates, qui doivent être faites à plusieurs.
Pour l’assistance respiratoire,
il y a différents niveaux de prise en charge suivant l’état du patient. En
première intention, il a un tube en plastique sous le nez, qu’on appelle « les
lunettes » et par lequel il reçoit de l’oxygène. Si ça ne suffit pas, on
l’équipe d’un masque à haute concentration, qui couvre le nez et la bouche. Si
sa respiration se dégrade toujours, il est alors placé sous Optiflow, une
machine qui délivre de l’oxygène.
“On voit très vite le résultat
du travail sur la santé et le bien-être des patients, c’est très gratifiant.”
Ensuite, seulement quand c’est
indispensable, il est intubé, c’est-à-dire que le médecin introduit une sonde
dans sa trachée, qui est reliée à un respirateur. C’est un geste complexe : souvent,
c’est l’interne qui l’effectue, sous la supervision d’un médecin senior et en
présence d’une ou deux infirmières. En moyenne, les patients intubés passent
douze jours sous ventilation, c’est beaucoup.
Tout cet aspect m’avait
beaucoup plu quand j’avais fait un stage en réanimation, il y a quelques mois :
les gestes sont précis, pointus. Il y a peu de relationnel, sauf avec les
familles, mais on voit très vite le résultat du travail sur la santé et le
bien-être des patients, c’est très gratifiant. Aujourd’hui, je n’accomplis pas
ces gestes, puisque je fais un travail d’aide-soignant, mais je suis content de
retrouver cette ambiance très technique, et c'est dans ce genre de service que
j'aimerais travailler quand je serai diplômé. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire